Jurisprudence | Assurance invalidité

Communication obligatoire du nom de l’expert

Résumé
Dans le cadre d’une procédure fleuve concernant une demande AI, Sieur A a dû se soumettre à une expertise bidisciplinaire du CEMed, à Nyon. La date de l’examen ainsi que les noms des médecins examinateurs, les docteurs B et C, lui ont été communiqués sans que Sieur A ne s’y oppose. Le rapport rendu par le CEMed a permis à l’office AI (ci-après OAI) de nier le droit à une rente.
Sieur A recourt au Tribunal fédéral (ci-après TF) demandant à ce que l’expertise soit écartée du dossier au motif qu’un tiers médecin avait participé à l’expertise sans que son nom ne lui ait été communiqué. En effet, l’expertise signée des docteurs B et C, indique que le dossier a été analysé et résumé par un médecin ne participant pas aux examens et que le document final a été soumis en dernière relecture à un médecin expert n’ayant pas examiné Sieur A.
Le TF donne partiellement raison à Sieur A et renvoie la cause à l’OAI pour que le nom du ou des médecins qui ont assisté les docteurs B et C soient communiqués à Sieur A afin qu’il puisse se prononcer sur un éventuel motif de récusation.
Dans cette affaire, le TF rappelle que l’expert au sens de l’article 44 LPGA* est la personne physique qui élabore l’expertise et dont le nom doit être communiqué à l’assuré pour lui permettre de savoir s’il a un motif de récusation. De plus, en sa qualité de mandant, l’OAI a droit à ce que l’expertise soit effectuée par la personne mandatée. L’obligation d’exécuter personnellement le mandat d’expertise n’exclut cependant pas que l’expert recoure à l’assistance d’un auxiliaire qui agit selon ses instructions et sous sa surveillance, pour effectuer des tâches secondaires, techniques, de recherche, de rédaction, de copie ou de contrôle. Mais il reste essentiel que l’expert mandaté accomplisse personnellement les tâches fondamentales d’une expertise qui ne peuvent pas être déléguées, à savoir : prise de connaissance du dossier dans son ensemble et analyse critique, examen de la personne, travail intellectuel de réflexion. Résumer un dossier médical comprend une telle marge d’interprétation (car le résumé sélectionne des dates, informations et données déterminantes pour l’auteur du rapport) que cette activité ne saurait être considérée comme une tâche auxiliaire. Ainsi, le nom du médecin qui établit l’anamnèse ou le résumé du dossier ou qui relit l’expertise afin d’en assurer la pertinence formelle doit être communiqué au préalable à l’assuré.

*Loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales 830.1

Commentaire
La juteuse activité d’expert, qui occupe les tribunaux quand elle s’exerce au détriment des assurés et au mépris de la plus élémentaire droiture, commence également à préoccuper le Département fédéral de l’intérieur et ce n’est pas trop tôt !
Cela étant, cette affaire illustre la façon dont la segmentation des tâches et l’anonymisation des responsabilités permettent à chacun-e de donner droit à sa lâcheté tout en se regardant complaisamment dans le miroir. Il était donc temps que le TF freine cette inquiétante fabrique d’expertises.
Ce qui reste navrant c’est que l’argent des assurés puisse ainsi servir à payer très cher des expertises sans valeur.

Références
9C_413/2019 du 4 décembre 2019 publié aux ATF146 V 9