Jurisprudence | Assurance invalidité

Aggravation de l’état de santé après une décision de refus de rente

Résumé
Une première demande AI déposée par Dame A en juillet 2011 est rejetée le 22 août 2013 : dans son rapport du 30 août 2012 l’expert B avait constaté une baisse de rendement mais estimait que celui-ci pouvait atteindre 100% moyennant un traitement antidépresseur et un suivi psychiatrique.
En mars 2014 Dame A dépose une nouvelle demande. Mandaté par l’AI, l’expert B reconnait une péjoration du trouble obsessionnel compulsif et atteste une incapacité de travail de 50 % depuis le début de l’année 2013. L’office AI (ci-après OAI) rejette néanmoins la demande de rente estimant que la péjoration de l’état de santé est en lien direct avec le traitement inadéquat suivi par Dame A.
Sur recours, le Tribunal fédéral (ci-après TF) reconnait le droit de Dame A à une demi rente.
Sur la forme, l’aggravation de l’état de santé de Dame A depuis le début de l’année 2013 est un fait nouveau qui s’est produit avant la décision de refus de rente du 22 août 2013 et qui n’a pas servi de base à cette décision.  Apprenant ce fait nouveau en août 2014, l’OAI aurait dû procéder à une révision d’office sur la base de l’article 53 loi sur la partie générale des assurances sociales (ci-après LPGA). Il aurait ainsi constaté que Dame A remplissait les conditions du droit à une rente (incapacité de travail de 40% au moins en moyenne durant une année sans interruption notable) depuis juillet 2013.
Sur le fond, le fait qu’une atteinte à la santé psychique puisse être influencée par un traitement ne suffit pas, à lui seul, pour nier le caractère invalidant de celle-ci. L’OAI doit déterminer, dans le cadre d’un examen global, si la limitation établie médicalement empêche objectivement la personne assurée d’effectuer une prestation de travail. En l’espèce le recours inadéquat de Dame A aux options thérapeutiques préconisées par l’expert B s’efface par rapport au degré de gravité des symptômes et des limitations fonctionnelles dont elle souffre: compulsions prenant au moins 4 heures par jour et occasionnant fatigue et perte de temps ; retentissement significatif dans les activités quotidiennes et le ménage provoquant un isolement social ; fortes réactions émotionnelles et attitude renfermée compromettant l’intégration dans une équipe de travail ; impossibilité à nouer des relations à long terme.
Le TF termine en rappelant que pour supprimer ou réduire une rente au motif que l’ayant droit n’a pas suivi les mesures thérapeutiques préconisées ou envisageables il faut respecter une procédure de mise en demeure (article 21 al. 4 LPGA), ce qui n’a pas été le cas pour Dame A. Dans la foulée il ne se prive pas de rappeler à Dame A que rien n’empêche l’OAI d’attirer son attention sur son obligation de diminuer le dommage en lien avec les possibilités thérapeutiques mises en évidence par l’expert…

Commentaire
L’issue de cette procédure est favorable à l’assurée et c’est tant mieux. Toutefois l’obligation de suivre un traitement destiné au maintien de la capacité de travail devrait être analysée par le TF en termes de droits de l’homme comme une grave atteinte à la liberté personnelle garantissant le libre choix du traitement. Dans cette optique, le but poursuivi, qui est de refuser une prestation d’assurance jugée coûteuse, ne devrait pas permettre de contraindre une personne à suivre un traitement préconisé par un expert dans un but économique et non pas par un soignant dans un but curatif.

Références
9C_142/2018 du 24 avril 2018