Jurisprudence | Droit pénal

Droit à un défenseur d’office pour une personne souffrant d’un trouble bipolaire

Résumé
Le 28 avril 2019, Sieur A a été condamné par ordonnance pénale pour avoir, le 27 avril 2019, commis plusieurs infractions au code de la route, refusé d’obtempérer lors de son interpellation, cassé une vitre et tordu le cadre d’une portière de voiture de police, blessé et insulté des gendarmes, cassé le téléphone portable de l’un d’eux et refusé de se soumettre à une prise de sang. Le 6 mai 2019 il a fait opposition à cette ordonnance pénale et demandé que Maitre B soit désigné défenseur d’office. Sa demande a été rejetée in fine par la chambre pénale de recours (ci-après la chambre) au motif que l’assistance d’un défenseur n’était pas justifiée, la cause ne présentant pas de difficultés particulières juridiques ou factuelles. La chambre relevait que Sieur A n’avait eu qu’un seul épisode maniaque, qu’il n’avait jamais eu de contact avec la psychiatrie auparavant ni n’avait été hospitalisé en raison du diagnostic de trouble bipolaire.

Sieur A s’adresse au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui lui donne raison, considérant que les conditions d’une défense obligatoire sont effectivement réunies ; il accorde l’assistance judiciaire et désigne Maître B en tant que défenseur d’office.

Le TF commence par rappeler que l’article 130 let. c CPP* prévoit une défense obligatoire lorsque le prévenu ne peut pas défendre ses intérêts en raison de son état psychique. Selon la jurisprudence, la capacité de procéder doit être examinée d’office dès qu’il existe des indices de limitation d’une telle capacité. Au vu du but de protection visé par le cas de défense obligatoire, la direction de la procédure doit désigner un défenseur d’office en cas de doute ou lorsqu’une expertise constate l’irresponsabilité. En revanche, le fait d’être sous curatelle ou de suivre une thérapie pour personnes dépendantes à l’alcool ou aux stupéfiants ne suffit pas à démontrer une incapacité psychique à procéder.

En l’espèce, un rapport d’intervention psychiatrique d’urgence du 29 avril 2019 établissait que l’épisode maniaque diagnostiqué durait depuis sept jours et que les faits qui avaient donné lieu à l’ordonnance pénale avaient été commis au cours de cet épisode. De plus, il ressortait du dossier dont disposait la chambre que Sieur A était retourné aux urgences le 2 mai 2019 en raison d’idées délirantes, qu’il y avait tenu un discours logorrhéique et avait développé des idées de grandeur et de persécution. Bien que Sieur A ne se soit pas prévalu de ces faits devant la chambre, ils ressortaient du dossier de sorte que celle-ci aurait dû en tenir compte d’office. De plus, la survenance d’un nouvel épisode maniaque lié au stress de la procédure pénale n’était pas exclue compte tenu de l’anamnèse et du diagnostic.

Pour démontrer que Sieur A avait la capacité de se défendre seul, les autorités cantonales se prévalaient du fait qu’il avait pu rédiger une opposition détaillée à l’ordonnance pénale, bien qu’il fût hospitalisé. Cet argument n’a pas porté dans la mesure où les écritures de Sieur A ne faisaient pas le lien entre son trouble et les actes qui lui étaient reprochés, ce qui plaidait en faveur de l’assistance d’un défenseur.

* Code de procédure pénale suisse RS 312.0

Commentaire
Saluons cette juste prise en compte du trouble bipolaire dans la capacité de se défendre au pénal et déplorons qu’il faille aller jusqu’au TF pour faire constater l’évidence.

Référence
1B_493/2019 du 20 décembre 2019