Jurisprudence | Prévoyance professionnelle – LPP – 2ème pilier

LPP : Droit à une rente du 2e pilier en cas de trouble bipolaire, notion de connexité temporelle

Résumé
Alors qu’il travaillait pour B. SA, Sieur A était affilié auprès d’AXA pour la prévoyance professionnelle (2ème pilier). Il a subi deux arrêts de travail liés à un trouble affectif bipolaire, attestés par des documents médicaux ; il a été licencié à l’issue du second arrêt avec effet au 31 août 2014. Entre 2014 et 2018, Sieur A a bénéficié d’indemnités chômage et maladies d’une caisse française. Par décision du 31 janvier 2020, l’Office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger (OAIE ) lui a reconnu le droit à une rente entière dès le 1er octobre 2019. AXA a toutefois refusé de lui allouer une rente du 2ème pilier au motif que les périodes de chômage auraient rompu la connexité temporelle avec l’incapacité de travail de 2014. Selon AXA, Sieur A avait été jugé apte au placement par les organes français de l’assurance-chômage et n’avait pas été hospitalisé entre novembre 2015 et juin 2017 de sorte qu’il n’y avait plus de lien entre l’incapacité de travail de 2014, survenue alors qu’il était assuré par AXA, et l’invalidité survenue en 2019 alors qu’il n’était plus assuré.

Le Tribunal fédéral (ci-après TF) reproche à ce raisonnement de violer l’article 23 LPP. Il ne fait pas de doute que l’incapacité de travail due au trouble affectif bipolaire est survenue alors que Sieur A était affilié auprès d’AXA. Pour que le lien de connexité temporelle entre l’arrêt de travail et l’invalidité soit considéré comme rompu au sens de la loi, il faut que l’assuré dispose d’une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée pendant plus de trois mois et qu’il réalise un revenu excluant le droit à une rente. Cette période de trois mois doit néanmoins être relativisée lorsque l’activité professionnelle est, en réalité, une tentative de réinsertion dans le cadre d’une maladie évoluant par poussées (notamment la schizophrénie). Ainsi, lorsqu’il y a une alternance de périodes d’exacerbation et de rémission une reprise de travail de plus de trois mois n’implique pas forcément une amélioration durable de la capacité de travail surtout si chaque augmentation de la charge professionnelle entraîne une recrudescence des symptômes conduisant à une nouvelle incapacité de travail. En l’espèce, la période pendant laquelle Sieur A a travaillé a été précédée et suivie d’incapacités totales de travail, il n’a pas récupéré durablement une capacité d’au moins 80% et sa reprise de travail en 2016 doit être considérée comme une tentative de réinsertion qui ne lui a pas permis de réintégrer durablement la vie professionnelle. Dans ces circonstances, il n’y a pas eu de rupture de connexité temporelle entre l’incapacité de travail intervenue pendant l’affiliation à AXA et l’invalidité ultérieure. Sieur A a droit à une rente d’invalidité de la part d’AXA.

Commentaire
Ce n’est ni la première ni la dernière fois qu’une caisse de pension tente de se soustraire au versement d’une rente d’invalidité pour maladie psychique. Les conditions d’accès à la rente sont mal pensées, les caisses en profitent et le législateur s’en lave les mains.

Sur ce sujet voir Difficile accès des invalides psychiques aux rentes du 2e piller Esprit(s) No 2 Novembre 2020

Référence
9C_209/2022  du 20 janvier 2023