Jurisprudence | Assurance invalidité

Querelle d’experts et importance des facteurs extra médicaux dans l’évaluation de l’invalidité

Résumé
Sieur A s’adresse à l’Office AI (ci-après OAI) en 2004, puis en 2010, car il souffre de lombo-sciatalgie et d’un état dépressif ; les deux demandes sont successivement rejetées par l’OAI qui privilégie l’expertise du Docteur B sur celle des autres médecins. En 2014, invoquant une aggravation de son état somatique et psychique, Sieur A redépose une demande. Celle -ci est à nouveau rejetée sur la base d’un complément d’expertise du Docteur B, pourtant contredit par les docteurs C et D. Sieur A demande au Tribunal cantonal (ci- après TC) d’annuler cette décision de refus et d’ordonner à l’OAI de mettre en œuvre une expertise rhumatologique et psychiatrique pour trancher entre les avis médicaux divergents ; le TC rejette sa demande. Sieur A s’adresse alors au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui estime que le jugement cantonal est arbitraire et lui renvoie la cause pour qu’il ordonne une expertise et rende un nouveau jugement.
Le TF constate que, en présence deux expertises contradictoires fouillées, contenant des analyses circonstanciées sur lesquelles les deux experts se sont exprimés oralement de manière consciencieuse et approfondie par des considérations strictement médicales relevant de leur domaine de compétence le TC ne pouvait pas trancher la querelle d’experts par une simple allusion au caractère « fiable » du rapport du docteur B.
De plus, le TC avait estimé, de son propre chef et sans en indiquer les raisons, que les difficultés de Sieur A provenaient, de façon prépondérante, de facteurs extra médicaux : exagération des plaintes, réticence à accepter un traitement, faible motivation à reprendre une activité et situation personnelle précaire. Le TF rappelle que lorsque des facteurs psychosociaux et socio culturels sont présents, l’évaluation médicale est d’autant plus importante pour apprécier la mesure dans laquelle ces facteurs externes à l’invalidité sont ou non au premier plan. Or, en l’espèce, tous les médecins avaient lié l’incapacité de travail à un substrat médical et non pas à de quelconques facteurs étrangers à l’invalidité. Le TC ne pouvait donc pas nier l’influence du substrat médical sans sombrer dans l’arbitraire.

Commentaire
Le refus de prestations pour des difficultés psychosociales considérées comme extra médicales frise l’absurde et la violence institutionnelle lorsque les difficultés mises en exergue pour nier le droit à une rente sont intimement liées à la pathologie psychique dont souffre la personne concernée. La séparation volontariste du social et de la santé oblige le TF à une gymnastique toujours plus acrobatique…

Références
9C_848/2017 du 29 mai 2018