Droit d’être entendu·e lors d’une demande de levée d’une mesure de curatelle
Résumé
Sieur A a été sous curatelle volontaire en 2011. Dès 2013, la mesure volontaire a été transformée en curatelle de gestion et de représentation confiée au Service de protection de l’adulte (ci-après SPAd). Les demandes de Sieur A d’alléger et de lever la mesure ont été rejetées. En septembre 2022 le SPAd s’est déclaré défavorable à une nouvelle demande de levée de la curatelle ; il a adressé un rapport au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après TPAE), saisi de la demande de Sieur A. Le TPAE a rejeté la demande de levée de curatelle de Sieur A suite à quoi la Cour de justice a rejeté son recours après avoir constaté que le dossier était mince et l’instruction légère, que Sieur A n’avait pas été entendu, que le rapport du SPAd ne lui avait pas été transmis pour détermination et que tout cela n’était pas conforme à l’article 447 al. 1 CC*.
Sieur A s’adresse alors au Tribunal fédéral (ci-après TF) en se plaignant de ne pas avoir été auditionné par la TPAE et de ne pas avoir pu se déterminer sur le rapport du SPAd. Le TF annule la décision et renvoie la cause au TPAE pour qu’il entende Sieur A.
Le TF rappelle d’abord que l’audition constitue autant un droit de la personne qu’un moyen d’élucider des faits et de se former une opinion personnelle. L’obligation d’entendre la personne n’est pas absolue et il est possible d’y renoncer notamment lorsque les troubles psychiques de l’intéressé·e risquent d’être aggravés par sa mise en présence de l’autorité. On ne peut toutefois pas renoncer à l’audition lorsqu’il faut apprécier si les faits ont été correctement établis par les autorités, notamment si le tribunal doit se faire sa propre impression de la personne concernée ou lorsque seule la personne concernée peut donner des précisions sur certains points. En l’espèce, dès lors que la Cour de justice avait considéré que le TPAE avait violé l’article 447 al. 1 CC*, elle devait annuler la décision et renvoyer l’affaire.
Le TF ajoute encore qu’il n’y avait aucune circonstance exceptionnelle justifiant de renoncer à l’audition de Sieur A, que les motifs pour lesquels le TPAE y avait renoncé (pas de contestation du rapport du SPAd, pas d’élément nouveau permettant de considérer que le besoin de protection de Sieur A ne serait plus d’actualité) participaient de l’abus du pouvoir d’appréciation. Le TF ajoute que l’audition pouvait non seulement éclairer l’autorité sur les faits mais aussi favoriser l’acceptation de la décision.
En renvoyant l’affaire au TPAE le TF lui ordonne de transmettre au préalable à Sieur A une copie du rapport du SPAd suffisamment avant la date de son audition.
*E. Droit d’être entendu
Art. 447
1 La personne concernée doit être entendue personnellement, à moins que l’audition personnelle ne paraisse disproportionnée.
2 En cas de placement à des fins d’assistance, elle est en général entendue par l’autorité de protection de l’adulte réunie en collège.
Commentaire
La surdité obstinée des instances cantonales à la demande d’audition de cette personne est d’autant plus préoccupante que le refus de lever la curatelle était fondé notamment sur son obstruction à un suivi thérapeutique comme seule perspective d’amélioration de ses capacité de gestion. En d’autres termes on ne vous écoute pas, Monsieur, tant que vous ne faites pas ce qu’on vous dit…
Référence 5A_32/2024 du 2 avril 2024