Expertise: le trouble de la personnalité borderline ne justifie pas un refus de prestation fondé sur une tendance pathologique de l’assuré·e à exagérer ses limitations.
Résumé
Au bénéfice d’un quart de rente AI depuis le mois de juin 2018 Dame A sollicite une allocation d’impotence. L’Office AI (ci-après OAI) diligente une enquête à domicile. L’enquêtrice fait état d’un besoin d’aide régulière et importante pour tous les actes ordinaires de la vie. Ce rapport d’enquête est soumis au docteur B, spécialiste en médecine interne générale et médecin auprès du Service médical régional de l’AI (SMR), qui explique que le trouble de la personnalité borderline de Dame A favorise l’autolimitation et les comportements démonstratifs. Il ajoute que les résultats de l’enquête à domicile sont “quasi-caricaturaux” et ne font que refléter ce sur quoi la Doctoresse C * avait mis en garde : toute évaluation extérieure aboutira systématiquement à la présentation d’un tableau dramatique sans proportion aucune avec les atteintes médicalement objectivables de cette assurée. Sur cette base l’OAI refuse l’allocation pour impotent par décision du 16 octobre 2020 au motif, notamment, que l’enquêtrice n’aurait pas apprécié de façon critique les déclarations et plaintes de Dame A et que les avis des médecins traitants ne seraient pas suffisamment motivés et détaillés pour permettre de retenir un besoin d’aide régulière et importante pour l’accomplissement des actes élémentaires de la vie quotidienne au sens de l’art. 37 RAI. Pour rendre cette décision l’OAI se fonde également sur une expertise effectuée plus de trois ans auparavant par le Bureau d’expertise médicale (BEM) dans l’instruction de la demande de rente, et ce sans tenir compte du fait que Dame A soutient que sa santé s’est fortement aggravée depuis l’expertise du BEM.
Dame A recourt au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui annule la décision de refus du 16 octobre 2020 et renvoie la cause à l’OAI pour nouvelle décision sur l’allocation d’impotence.
Le TF relève que l’OAI s’est fondé sur l’avis d’un médecin, non psychiatre, qui n’avait pas évalué les capacités de l’assurée. En expliquant que le trouble de la personnalité borderline favorisait “nettement le comportement catastrophiste de cette personne, qui s’autolimite en tout”, le Docteur B. n’avait pas indiqué si le diagnostic psychiatrique avait des effets dans la vie quotidienne de Dame A. Or, dans la mesure où le Docteur B estimait qu’un examen de Dame A ne pouvait aboutir à aucun résultat probant, l’OAI devait procéder à une instruction complémentaire par exemple en convoquant Dame A à une discussion ou à un examen.
* Cette médecin du Bureau d’expertise médicale (BEM), spécialiste en médecin interne et rhumatologie, avait examiné Dame A en 2017 dans le cadre de sa demande de rente.
Commentaire
Il est préoccupant de de constater qu’un « expert » se permet d’évaluer la capacité de travail d’une assurée sur la base de préjugés et de stéréotypes maltraitants que l’OAI valide en violation des principes de la CDPH . En effet l’existence d’un handicap doit inciter l’autorité à adapter ses méthodes aux limitations fonctionnelles des assuré·es plutôt que de les débouter parce qu’ils·elles peinent à entrer dans un cadre qui violente leurs particularités.
A propos du trouble de la personnalité borderline, notons encore que dans une affaire pénale (6B_490/2022 ) cette pathologie devait inciter l’autorité à prendre le témoignage d’une victime avec des pincettes (voir l’Infolettre du 22 août 2023).
Référence
9C_41/2023 du 27 juin 2023