Quand l’OAI estime que réadaptation peut primer la rente après le versement de celle-ci et parce qu’il confond les mesures de réadaptation avec les mesures de réinsertion
Résumé
Sieur A, qui souffre d’agoraphobie avec crises de panique, dépose une demande auprès de l’Office de l’assurance-invalidité (ci-après OAI). À la fin de la phase d’intervention précoce (le 5 juillet 2018), l’OAI informe Sieur A qu’aucune mesure de réadaptation d’ordre professionnel n’entre en ligne de compte en vue de diminuer l’invalidité. L’OAI ordonne alors une expertise psychiatrique dont le rapport est rendu le 2 avril 2020. Des mesures de réadaptation sont demandées à l’ORIF le 18 septembre 2020 ; elles débutent le 22 février 2021, sont renouvelées à quatre reprises et prennent fin le 21 août 2022. Par décision du 7 décembre 2023, après une expertise pluridisciplinaire, l’OAI octroie à Sieur A un quart de rente pour la période du 1er juillet 2018 au 28 février 2021. Sur recours de Sieur A le Tribunal cantonal lui reconnait le droit à une demi-rente du 1er juillet 2018 au 28 février 2021.
L’OAI saisit alors le Tribunal fédéral (ci-après TF) en demandant que le droit de Sieur A à une rente soit entièrement nié depuis le début. L’OAI estime, en effet, que Sieur A n’aurait droit à aucune rente sur la base du principe de la priorité de la réadaptation sur la rente, selon lequel la droit à la rente ne peut naitre qu’après la fin des mesures de réadaptation. Selon l’OAI la communication du 5 juillet 2018 ne serait pas une décision et les mesures effectuées auprès de l’ORIF seraient des mesures de réadaptation (art. 14a LAI) incompatibles avec une rente.
Le TF ne marche pas dans cette interprétation rétroactive à la limite de la mauvaise foi et confirme la demi-rente de Sieur A sur toute la période.
Selon la jurisprudence du TF le droit à la rente ne peut naître qu’après la fin des mesures de réadaptation même si elles ont échoué. En revanche une rente peut être allouée rétroactivement si des mesures d’instruction visant à déterminer si l’assuré·e peut être réadapté·e révèlent que ce n’est pas possible.
En l’occurrence les mesures mises en œuvre étaient des mesures de réinsertion (art. 14a LAI*) qui n’indiquent pas (encore) que l’assuré·e est apte à la réadaptation. La communication du 5 juillet 2018 avait une portée juridique à laquelle Sieur A pouvait se fier sans avoir à demander une décision formelle sur son éventuel droit aux mesures de réadaptation. C’est ensuite dans l’examen du droit à une rente que l’expertise avait été ordonnée ; celle-ci avait signalé que des mesures de réadaptation étaient envisageables et qu’elles auraient pu être ordonnées plus tôt. Selon le TF l’OAI avait versé dans l’arbitraire en se prévalant du principe selon lequel la réadaptation prime la rente pour nier la naissance du droit à la rente à une époque (le 5 juillet 2018) où il avait lui-même exclu d’ordonner des mesures de réadaptation.
Les mesure de réadaptation effectués à l’ORIF dès le 22 février 2022 étaient des mesures de réinsertion ordonnées conformément à l’expertise psychiatrique du 2 avril 2020. Plus tard, l’expertise pluridisciplinaire avait confirmé le pronostic favorable de l’expertise psychiatrique quant à l’aptitude de Sieur A à atteindre une capacité de travail de 100%. Dans ce contexte, Sieur A n’était pas apte à la réadaptation avant les constatations médicales de l’expertise pluridisciplinaire. Par conséquent la rente d‘invalidité ne devait pas prendre fin au moment où les mesures avaient été requises auprès de l’ORIF.
* l’article 14a LAI mentionne des mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle, ce qui peut semer la confusion dans un esprit faible ou retors
Commentaire
Cette affaire embrouillée où l’OAI confond les mesures et fait passer une information pour une décision a de quoi inquiéter les assuré·es et les enfoncer dans la confusion administrative. Espérons pour la sécurité du droit qu’elle reste isolée.
Référence
8C_652/2024 du 28 juillet 2025